La REsistance 

 locale et régionale

 racontée par Roger REYNIS 

 

(dossier transmis par sa fille : Anne Marie Lucena)

 

 

 R.REYNIS

           

Démobilisé le 28 juillet 1940, je rentrais chez moi à Revel, un peu découragé, mais avec un esprit de revanche. Je pensais aux Français qui avaient la chance de se trouver en Angleterre et qui, peut-être, un jour viendraient nous délivrer.

            Dans cette attente, je me remis au travail, mais si l’on parlait du sort réservé aux Français, je leur disais : « Patience ! La guerre n’est pas finie, nous sommes à l’entracte, nous verrons, plus tard, le 2ème acte ».

            L’été passé, nous arrivons au 11 novembre 1940, Fête de l’Armistice, un peu triste. La Légion, organisation qui groupait les Anciens Combattants fidèles au Maréchal Pétain défila, tout se passa dans le calme, mais ce fut bien monotone devant le monument à la gloire des Poilus de 14-18.

            1941 puis 1942, tous les soirs pendant deux ans, j’écoute la radio anglaise B.B.C. Je fais de la résistance individuelle avec quelque amis, j’avais réussi le tour de force de rester ignoré des Revélois. Lorsque mon chef Georges SABO connut mon travail par le Comité Directeur de « LIBERATION », moi, je savais qu’il était mon chef et c’est à lui seul que je devais signaler les affaires urgentes, jusqu’à ce moment il avait ignoré que je travaillais pour la même organisation.

            Nous sommes en 1943, ayant eu les premiers contacts, il ne restait plus qu’à nous organiser.

            Je cherche quelques amis sûrs auxquels je distribuais déjà les premiers journaux clandestins de la Résistance : « Libération » dirigé par le Général de Gaulle, puis il y avait « Combat » - « Franc-Tireur » - « Libérer et Fédérer » des cheminots (S.N.C.F.).

            Nous formions la 1ère équipe de la Résistance.

            La Résistance organisée était en marche, je m’engage officiellement après avoir rempli et signé le questionnaire confidentiel comme diffuseur régional du journal « LIBERATION » pour Revel et les alentours : Blan, Puylaurens, Lempaut, Dourgne, Arfons, Les Cammazes, Vaudreuille, Saint-Félix-Lauragais, Roumens, Montégut-Lauragais, Nogaret, Mouzens, Auvezines, Garrevaques, Palleville et Soréze.

            Puis, c’est la fusion des organisations de la Résistance qui s’appellent M.U.R. (Mouvements Unis de la Résistance), les tirages des journaux s’accroissent, tous les mois, les liaisons avec Londres deviennent régulières, nous devons chercher des terrains pour recevoir des parachutages en armes, vivres et munitions. Je me mets en relation avec un Revélois qui exploite une carrière à Durfort, il s’appelle Roger ARNAUD, ancien prisonnier qui avait réussi une évasion courageuse et intelligente.

            Il s’était mis au service de la Résistance et dès la dissolution par les Allemands des Chantiers de Jeunesse du Maréchal Pétain, il organisa un maquis dans sa propre entreprise à Durfort.

            Revel devint l’antichambre du maquis avec son concierge Marius PRADES qui reçut les premiers maquisards envoyés par Libération-Sud.

            Nous avons trouvé 2 terrains qui sont agréés à Londres pour les parachutages : un à Peyrebazal situé sur la montagne au-dessus du lac de Saint-Ferréol, il est reconnaissable à une grande croix qui surplombe le lac, l’autre au Conquet entre Les Cammazes et Saissac.

            Tous les soirs, nous écoutions les messages de la radio anglaise B.B.C. qui nous annonçait les parachutages. Si le message était : « l’encre de mon stylo est bleue » cela signifiait pour nous que le parachutage aurait lieu sur terrain de Peyrebazal. Si le message était : « les champignons poussent dans les bois » ou bien « les chars attaquent à l’aube » c’était pour le terrain du Conquet. Mais en hiver ces terrains en montagne rendaient les parachutages très difficiles à cause de la neige, du gel et surtout du brouillard. Ils nous arrivaient souvent d’entendre le bruit des moteurs, mais ne voyant pas nos signaux, l’avion repartait et lâchait le matériel sur le Massif Central puis regagnait Londres. Lorsque le lieutenant anglais avec le poste émetteur lui précisait le point de chute et que l’avion rasait le sol sans nous apercevoir, celui-ci lui demandait de ne pas insister et lui ordonnait de repartir plutôt que de provoquer un accident qui serait suivi d’une enquête avec tous les embêtements.

            Mais à la belle saison tout se passait très bien, c’était même une véritable distraction d’y assister en pleine nuit et de voir tous ces parachutes qui se déployaient. Nous recherchions le point d’atterrissage dans la brousse, les chargions sur une charrette à bœufs qui nous déposait en lieu sûr afin de les utiliser pour le jour J, c’est à dire le jour du débarquement : le 6 juin 1944.

            Début 1943, Revel devint le refuge des personnes qui étaient pourchassées par les Allemands. Elles trouvaient à Revel des guides pour les conduire aux divers maquis de la montagne. Au début, ceux-ci étaient de petits groupes de dix, le campement était situé non loin d’une métairie au cas où le ravitaillement n’arriverait pas. Le Docteur RICALENS était le médecin du maquis, il eut à intervenir plusieurs fois, soit pour des intoxications par des rutabagas ou des rapaces qu’ils avaient mangés, soit pour des accidents de montagne.

            L’année 1943 se terminait sans histoire, mais dès 1944 tout le monde savait que les maquis occupaient la Montagne Noire. Les Allemands, la gestapo et la milice commencèrent à nous traquer, les Résistants d’abord, les maquis ensuite. Le maire de Dourgne fut la première victime ; lui leur échappa mais sa femme qui lui avait crié : « ce sont les Allemands, va-t-en ! », elle fut tuée sur place et dans le village ils arrêtèrent toute une famille qui fut déportée.

            Le 3 mars 1944, au matin, ce fut Durfort : Roger ARNAUD, son frère ainsi que tout son maquis de la carrière, le maire, l’instituteur, seul le cuisinier réussit à leur échapper, mais il fut blessé au pied et hospitalisé à Revel jusqu’à la libération.

            Le 23 mars 1944, à Revel, arrestation de Henri LAURENT , cantinier des jeunes réfractaires du STO qui travaillaient à l’adduction d’eau, de son fils et de moi-même.

            Cinq jours après ce fut l’ancien maire de Revel.

            Ici, s’arrête ma résistance locale et régionale ; j’appris par la suite que les maquis furent continuellement pourchassés.

            Quelques mois avant le débarquement, Londres envoya des chefs qui regroupèrent tous les maquis pour en faire des unités de combat qui devaient attaquer les Allemands dans le dos le jour du débarquement et les maquis dispersés dans la montagne devinrent les F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur), maquis de la Montagne Noire.

            Le livre du Maquis de la Montagne du Commandement MONTPEZAT décrit le journal de marche de cette formation.

            Un monument au Martyrs de la Résistance, morts en déportation fut élevé par le Comité de Libération de la ville de Revel, grâce à une souscription et la participation de la municipalité. Il fut élevé à l’endroit même où les miliciens avaient sous Pétain enterré le buste de la République (Marianne) après l’avoir brisé. Je me souviens de Roger ARNAUD arrêté par la gestapo, interné à Saint-Michel (Toulouse), torturé et fusillé à Bordelongue près de Toulouse. Dans sa dernière lettre, il écrivait à sa femme : « je vais mourir mais je suis sûr que nous serons victorieux ». Son nom ainsi que ceux de quelques amis à lui sont gravés sur ce monument.

 

 
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